
Performer les savoirs /
Performing Knowledge
En Studio
Présentation du chantier
Le studio est un lieu d’étude. Non seulement de formation et de création,
d’entraînement et de répétition, mais d’invention et de recherche.
Dominique Dupuy, danseur, chorégraphe et écrivain.
Le chantier “En Studio” se propose d'interroger l’articulation entre l’émergence du geste créateur dans le champ du spectacle vivant (théâtre, danse, performance, cirque) et l’espace qui autorise sa possibilité, le studio ou tout autre espace de travail (la chambre, le jardin, l'atelier...)
Le studio est en soi un sujet d’étude particulièrement fertile pour le champ des études de spectacle. Lieu de fabrique et de recherche, de création et de répétition, de transmission et de pédagogie. Le studio est le lieu, le premier lieu (au double sens de “original” et de “fondamental”), où se retrouvent les membres d’une équipe artistique réunie afin d’écrire et créer un spectacle.
Le studio est un lieu d’étude mais aussi un lieu de travail. Lieu de la studiosité où l’on s’applique à travailler, à développer une étude ou une pratique engagée au jour-le-jour, que ce soit dans un rapport étroit et nourri au corps (chorégraphe, danseur), à la voix (chanteur.euse), à l’instrument ou à l’agrès (musicien.ne, circassien.ne) ou un peu de tout cela à la fois (l’acteur.trice ou le performeur.euse).
Si le studio est le lieu privilégié de l’artiste qui va éprouver, développer et affiner une pratique, ou du pédagogue qui y affine son enseignement ; à l’inverse, le geste créateur, ou pédagogique, vient lui aussi façonner le studio, sa conception, sa disposition, son architecture, ses usages.
Il faudra examiner les conditions propitiatoires et favorables (ou non) qu'offre le studio aux prémisses du processus de création. Et réciproquement, s’attacher à examiner comment une dynamique artistique vient modifier et parfois même transformer l’espace physique, architectural, scénographique mais aussi social, institutionnel et symbolique du studio.
En s’appuyant sur les approches historiques du laboratoire ou de l’atelier, les apports des rehearsal studies et des études génétiques ainsi que sur les études géographiques des spatialités et l’écologie des lieux et des pratiques, il s’agira de développer une étude du studio comme lieu de travail et de socialité artistiques croisant la recherche-création, le design, la pédagogie radicale et la culture matérielle. Au travers d’expérimentations pratiques et expérientielles (workshops, performances) et de compagnonnages menés avec trois artistes associé·es, ce chantier observe et met en pratique différents usages et expériences du studio, certaines de ces expériences visant à être partagées avec un large public via les modes de publicisation hybrides propres à Performer Les Savoirs (journée-laboratoire, conférence-performée, jeux, etc).
Planning prévisionnel
Hiver 2025-26. Danse en studio : corporéité, spatialité, terrain
Artiste associé : Rémy Héritier
Printemps-Hiver 2026. Performance et politique du studio
Artiste associée : Tania El Khoury
2027. Écologies théâtrales du studio







Workshop
2026
"En Studio"avec Rémy Héritier
du 12 au 16 janvier 2026
de 14h à 18h
au Centre National de la Danse, Pantin
Une surface de projection
note de Rémy Héritier pour le workshop En studio
Quand je pense à un studio j’imagine facilement un lieu clos, à l’abris des regards et des oreilles, lumineux, confortable. J’y associe aussi la chance d’y accéder et la pression/injonction, réelle ou fantasmée, qui pèse sur mes épaules d’en faire bon usage. Autrement dit, de travailler chaque seconde, de divaguer le moins possible ou alors de manière productive.
Hier en courant, foulée après foulée, les phrases de cette note m’arrivaient complètes, limpides, parfaites. Je ne les ai évidemment pas mémorisées. Dans mon souvenir, elles postulaient que le studio n’était ni seulement un lieu ni seulement un temps mais à la fois un lieu et un rapport au temps. Que le studio serait l’endroit parmi lequel — parmi pour éviter le « où » du « vous êtes ici »— un rapport au temps et à l’espace établiraient des conditions favorables au travail. Pas à n’importe quel travail, pas un travail générique mais un travail spécifique. Comme les théâtres, les studios ne se valent pas, chacun génère sa propre surface de projection.
Je pourrais dresser la liste des studios qui n’en sont pas et qui mettent le corps au centre comme : écouter de la musique en travaillant, faire usage du brouhaha d’un café comme support de concentration etc. Mais à y regarder de plus près j’ai le sentiment que ce sont des techniques, des subterfuges pour s’isoler tout en profitant du tumulte du monde. S’isoler mais rester là. Courir est aussi un studio. Stéphane Bouquet écrivait en marchant. Jean-François Billeter décrit le café comme son lieu de travail. Jean-Christophe Bailly parle du cogito de la marche quand Laura Vasquez chérit l’espace du bureau, mobile, de lieu en lieu. Steve Paxton jardinait, faisant coïncider ainsi studio et scène.
Une pièce à soi, mais ici la pièce n’est vraisemblablement pas seulement une question immobilière.
Des studios, comme les théâtres il y en a partout.
Je ne me souvenais pas de grand-chose alors je suis retourné courir quelques jours plus tard. Je suis passé devant la dernière adresse de Stéphane pour me mettre dans l’exercice. J’ai d’abord pensé marmonner mes phrases du bout des lèvres pour ne pas les oublier. J’ai vite arrêté me surprenant à comparer cette action à celle de transporter de l’eau dans le creux de ses mains pour vider une réserve ici (les fulgurances du moment) et en remplir une autre là-bas (la note pour le workshop).
Je propose que cette semaine de workshop soit une semaine d’expérimentation.
Vous l’aurez compris, l’idée générale est de ne pas circonscrire la notion de studio aux conditions matérielles de lieu et d’espace mais davantage aux conditions nécessaires à réunir pour « véritablement » être au travail.
On pourrait viser l’idée de constituer une collection de pratiques, de manières de faire qui, articulées les unes aux autres nous permettraient de mieux comprendre ce dont on a besoin pour être en studio quelles que soient nos pratiques (recherche académique, artistique etc).
Un studio comme une surface de projection : une surface irrégulière faite de creux et de bosses, de ravins et de plaines.
Je propose que les deux premières sessions s’organisent autour de pratiques de danse (physiques, somatiques) avec lesquelles j’arriverai, de documents à arpenter et d’une conférence à visionner ensemble.
Dès lors nous travaillerons à partir de ce que ces pratiques, documents, discussions auront fait germer. L’idée encore une fois est de fabriquer des pratiques autant que de les discuter.
